A écouter d'aucuns, nous vivons dans un monde où chacun replié sur lui-même ignore l'autre, où la destruction du lien social nous transforme en asocial autocentré sur sa petite personne, voire limite autiste. Les raisons semblent évidentes, les promesses des technologies du numérique censées nous rapprocher font l'effet inverse, chaque individu accaparé par son smartphone s'enferme dans un monde paradoxalement hyperconnecté.
Cette écume des apparences est tenace et évite à ces commentateurs tout effort d'analyse. Un minimum de réflexion traçant une histoire des révolutions cognitives, et le numérique en est une, semble bien nécessaire. Car ce n'est pas nouveau, nous pourrions remonter le temps de 25 siècles et relire le dialogue entre Socrate et le jeune Phèdre. Socrate n'a pas de mots assez durs pour fustiger l'écriture et exprimer sa grande inquiétude car nous allons vers l'extinction de la mémoire, la fin de la vrai transmission celle de l'oralité. L'écriture, une expression de la pensée morte, rien que cela. Heureusement Platon écrivait soigneusement ce que ces deux là se disaient, Aristote son disciple n'utilisera que ce mode de transmission.
Le retard français dans le numérique est patent, retard dans les entreprises, les écoles, les hôpitaux... Retard culturel? La transformation digitale souvent embryonnaire est probablement cette marque d'une certaine défiance de nous, français, vis à vis du numérique. A mettre toujours en avant les risques de l'Internet nous en avons oublié les fondamentaux, l'Internet contient toute la connaissance du monde, le numérique permet de remodeler en profondeur les process d'acquisition des savoirs ou des modes de production.
Oui l'Internet contient toute la connaissance du monde, y compris les pires thèses et perversions. A nous d'apprendre à nos enfants de s'y frayer un chemin. Éduquer plutôt qu'interdire.