Dans un article du Monde du 22 janvier, Jean-Noël Jeanneney président de la BNF, accuse : "Quand Google défie l'Europe". Le 1er moteur de recherche a passé un accord avec 5 grandes bibliothèques (4 aux US, 1 en GB) pour numériser en qq années 15 millions d'ouvrages (soient environ 4,5 milliards de pages !!). Pour JNJ le risque est réel "d'une domination écrasante de l'Amérique dans la définition de l'idée que les prochaines générations se feront du monde ...... par le regard qui est celui des Anglo-Saxons, avec ses couleurs spécifiques par rapport à la diversité des civilisations .... la production scientifique anglo-saxonne, déjà dominante dans une quantité de domaine, s'en trouvera forcément survalorisée ..."
Et JNJ de proposer: "Une autre politique s'impose .... il revient aux responsables de l'Union de réagir sans délai ... un plan pluriannuel pourrait être défini et adopté dès cette année à Bruxelle ... c'est en avançant sur fonds publics .... on assurera le développement d'un moteur de recherche ainsi que d'outils logiciels qui soient les nôtres."
Je considère que JNJ est un grand monsieur, mais n'a-t-il pas (pour excès d'exception culturelle ?) une absence totale de lucidité? Presque la théorie du complot. En fait les choses sont simples: si aujourd'hui nous sommes quasiment exclus du cyber-espace, la raison est nôtre. Nous ne faisons pas l'effort de le comprendre (1). C'est un monde ouvert où les systèmes sont interopérables et indexables.
La clef est donc la suivante: l'accès au contenu est aussi important que le contenu lui-même.
Comme pour l'e-administration, pensez l'accès à la connaissance est un enjeu politique, en aucune façon un problème d'ingénieurs. Encore un fois, saisissons-nous de cette question car des milliards de pages de notre culture dorment dans des milliers de nos serveurs. D'ailleurs cette approche, n'est-elle pas identique à notre difficulté, nous Français, de nous situer dans ce monde global?
Jean-Paul Droz Cabinet Idées simples
(1) JNJ met en avant Gallica (80.000 ouvrages à comparer aux chiffres précédents) mais justement, ce qui pêche, et c'est un euphémisme, c'est la grande difficulté de référencement de cette bibliothèque virtuelle pour refus de compréhension du fonctionnement de l'Internet.
JNJ est le produit d'un système. Et tend bien évidemment à reproduire le système (encore plus de subventions et d'administrations ... quand aux résultats ....).
Ce que JNJ n'a pas compris, c'est que Google est libre. Libre de faire ce qu'il veut. Libre d'expérimenter. Libre de faire appel à des coopérations où chacun trouvera son avantage.
Google est libre, par ce qu'il gagne de l'argent. Google est libre parce qu'il inspire confiance à ses utilisateurs et partenaires (l'Internet, c'est l'économie de la confiance). Google est libre parce qu'il applique sa maxime "don't be evil". Google est libre parce qu'il est innovant (on pourrait souhaiter qu'il le soit plus). Google est libre parce qu'il laisse ses utilisateurs et partenaires faire ce qu'ils veulent (il n'y a pas de "cahier des charges culturels" ou "cahier des charges de l'emploi" etc.).
On peut parfaitement, en France ou Europe, monter des services complémentant / concurrençant Google. Des services libres (libres, dans le même esprit que ci-dessus). Il ne peut en résulter que du bien pour des partenaires et utilisateurs culturels. Si ces services n'ont pas pour le moment émergé, ce n'est pas la faute de Google.
Aucun plan d'ensemble européen ne fera surgir un "nouveau Google". Google est né parmi un foisonnement d'émergences de jeunes pousses (beaucoup ont péri). S'il y avait quelque chose à faire ici, c'est de favoriser un tel foisonnement (en sachant que la plupart des tentatives avorteront). Error and trial, again and again and again. Que la vie est dure :-)
Rédigé par : Xavier | 08 février 2005 à 17:41