LUDOVIA 2012, les acteurs de l'e-éducation se retrouvent comme chaque année à Ax-les-Thermes (09) pour cette université d'été. Enseignants, chercheurs, recteurs, élus, directeurs de l'éducation, associations de parents d'élèves, industriels... échangent détendus dans ce cadre agréable.
Cette année Vincent Peillon était attendu mais proximité de la rentrée oblige sa venue fut virtuelle. Pas d'annonce fracassante sur le sujet sauf l'affirmation du changement dans la continuité comme l'on dit. L'alternance a peu d'impact sur les politiques publiques de l'e-éducation à l'image des exécutifs locaux qui ne sont pas lieux d'affrontement droite/gauche sur ce thème. L'e-éducation fait aujourd'hui consensus même si la réalité du terrain est pour le moins disparate. En fait si le pourquoi fait consensus, le comment est sujet à appréciations diverses. Cependant j'ai particulièrement apprécié que le Ministre rappelle que les Espaces numériques de travail soient un lieu privilégié de communication de la communauté éducative et précisant au mot près que si l'école restait à la révolution précédente elle passerait à coté de son temps et marquerait le déclin de notre civilisation.
Et si...
Il y a longtemps que je défends ce simple constat: l'école est à l'écart de l'évolution de la société et cette volonté affichée de l'éloigner des mutations sociétales profondes est une erreur. Un intervenant reprenait ce thème par cette petite histoire. Imaginez qu'un chirurgien de 1912 revienne de nos jours, c'est bien simple il ne pourrait rien faire et ne comprendrait plus rien. Même avec une période d'adaptation il resterait incompétent. Imaginez maintenant qu'un maître de 1912 revienne dans nos classes. Certes il serait surpris du peu d'élèves par classe, de la mixité, de la disparition des estrades, des plumes remplacées par des stylos billes mais son univers serait identique. Le bon tableau noir, la craie et les manuels papiers!!! Probablement qu'une période d'adaptation serait nécessaire mais soyons sûr que son savoir-faire lui permettrait de reprendre du service. L'éducation est le seul pan de notre société aussi imperméable à son environnement.
L'ennui à l'école, une fatalité?
Comment s'étonner alors que nos enfants s'ennuient à l'école, situation normale? Les enquêtes de l'OCDE montrent qu'à la question "vous sentez-vous bien en classe?" le score des jeunes français est le plus mauvais des 41 pays sondés !! Absentéisme, décrochage, désintérêt... les symptomes sont nombreux. Certes Einstein disait s'ennuyer à l'école mais nos résultats sont trop mauvais pour se suffire d'une pirouette, l'ennui dans la classe a été et est encore souvent tabou. Mais justement cette école sanctuaire avec le monde dans lequel évoluent les jeunes n'est-il pas une des causes de cet ennui ?
Les technologies d'aujourd'hui permettant de s'ouvrir au monde, de travailler de façon collaborative, d'intégrer l'interactivité dans la classe ne sont-elles pas une des voies privilégiées pour cette modernisation nécessaire ?
La troisième mutaton de l'humanité est en marche
Le numérique, troisième mutation après l'écriture et l'imprimerie bouleverse nos capacités cognitives comme notre intégration sociale. Et Ludovia s'en fait écho, quelques idées glanées au cours des tables rondes:
Changement de paradigme, avant il fallait savoir mémoriser et hiérarchiser. Maintenant il faut savoir explorer et structurer. Mais Montaigne ne l'avait-il pas déjà compris ?
Le 20ème siècle était celui de l'apprentissage, le 21ème est celui de l'apprenance. Là aussi révolution copernicienne, il s'agit de développer les apprentissages tout au long de sa vie. Apprendre à apprendre !! Développer l'autonomie des jeunes et démontrer leur capacité à apprendre, favoriser leur engagement en étant plus flexible, en les poussant à l'initiative. Vaste programme qui dynamite les méthodes et programmes actuels.
On apprend toujours seul mais jamais sans les autres. Les technologies d'aujourd'hui ne permettent-elles pas justement d'individualiser la démarche, c'est à dire de donner à chacun la possibilité de produire. Apprendre à collaborer, collaborer pour apprendre. La pédagogie descendante versus la pédagogie collaborative.
Le numérique ce n'est pas l'outil. Le numérique est avant tout une culture et la modernisation de la société vient du développement de ce projet, il faut avoir l'audace de se poser de nouvelles questions.
En France, 300 millions pour les manuels papiers, 20 millions pour le numérique. Cherchez l'erreur ! Au détour d'une allée l'interrogation d'un vice-président d'un Conseil régional, faut-il vraiment continuer à distribuer gratuitement des livres papiers aux lycéens? Mais cela off the record ...
En conclusion ce Ludovia est un bon cru, bien sûr les personnes présentes sont toutes convaincues que le numérique est entré définitivement dans notre société et doit l'être dans l'école qui n'a pas vocation à se sanctuariser. C'est un fait de civilisation majeur. Mais la variété des questions amène une variété de points de vue qu'il est utile d'écouter.
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