Le salon Educatice vient de fermer ses portes vendredi 11 mars, rencontre des acteurs de l'e-éducation en France. Échanges salutaires entre politiques, enseignants, chercheurs, collectivités territoriales et industriels. Ce salon reflète cette diversité des situations et des questionnements. Des questionnements 'd'en haut' où l'on s'interroge sur les politiques publiques à mener dans un pays où la simplicité n'est pas la meilleure vertu compte tenu de la multiplicité des acteurs. Des questionnements 'd'en bas' où l'on partage les nouvelles pratiques pédagogiques autour des nombreuses innovations numériques.
Ce salon est précieux car, comme à l'image de notre société, le numérique est devenu un phénomène irréversible, les mutations en cours sont sociales aussi bien que technologiques et ces deux dimensions entretiennent des rapports indissolubles. Mais cette édition renforce un sentiment dont j'ai parlé à plusieurs reprises, la présence de plus en plus insistante d'acteurs dont la 'puissance de feu' est sans commune mesure avec nos possibilités hexagonales.
Mais ce que je veux souligner, c'est que nous sommes masochistes, nous créons les conditions pour un affaiblissement des industriels français au profit des ces mastodontes. Comment? Prenons deux exemples:
Non seulement Google est devenue la première puissance boursière au monde, mais maintenant Google DeepMind a eu le dernier mot dans l'affrontement de l'homme et de la machine, sa solution AlphaGo vient de battre Lee Sedol, le Grand maître du jeu de Go par quatre victoires à une. Continuité de ce qu'avait fait la solution IBM DeepBlue pour les échecs face à Garry Kasparov il y a 20 ans. IBM hier, Google aujourd'hui.
Google avec ses moyens illimités propose dorénavant sa solution Google for education . Il est facile d'imaginer que Google présente un produit abouti, simple et fluide. Les enseignants qui l'utilisent en parlent très positivement lors de plusieurs conférences. Google classroom, intégré à cet environnement, peut-être considéré comme une véritable interface fournissant à l'enseignant une classe virtuelle comportant l'ensemble des outils numériques disponibles. Soyons objectifs, c'est un beau produit.
Et ceci avec un modèle économique imbattable, c'est gratuit pour les établissements scolaires!!!! Avec une garantie donnée par Google: pas de publicité, pas de tracking.
C'est là que le bas blesse, Google ne paie quasiment pas d'impôt en France, ses serveurs ne sont pas en Europe. Les sociétés françaises paient leurs impôts et charges en France, leurs serveurs sont sur le sol national. Mais en plus les éditeurs français ou européens doivent répondre à un cahier des charges précis et exigeant, le SDET
Goggle aujourd'hui est dans une zone grise avec un petit côté bad boy. Mais le lobbying est puissant, il se murmure qu'au Ministère de l’Éducation Nationale il y aurai une oreille attentive. Et qu'une opération similaire à celle de l'accord avec Microsoft puisse se conclure. A suivre donc.
A quand l'arrivée de Facebook?
LA CHINE
Phénomène émergeant, cinq à six stands chinois proposent des équipements de type Tableau blanc interactif. Faisant suite au rachat en 2015 du leader européen de TBI Promethean par NetDragon , je ne devrais pas en être étonné. Mais là j'ai vu un produit de rupture, sur le stand de Donview une magnifique dalle 4K interactive. Et un logiciel pédagogique d'une fluidité et d'une aisance d'utilisation à tomber par terre. Il y a bien sûr une explication: l'équipe de recherche et développement de ce logiciel, c'est 110 personnes. Probablement trois fois plus que pour une entreprise française à iso-budget. Et Donview a une vision mondiale de son marché.
La conséquence en est un modèle économique imparable,vos avez la dalle interactive 4K intégrant l'ordinateur et le logiciel pour le prix d'un 'vulgaire' TBI avec vidéoprojecteur (et sans ordinateur).
La conclusion n'est pas aisée à tirer au delà des yaka-faucon. Difficile de combattre l'équipe de R&D de Donview, mais cette société ne nous montre-t-elle pas la voie en plaçant l'e-éducation dans une démarche industrielle débouchant sur un marché mondial? Bien sûr lutter contre Google ne présente que peu d’intérêt, mais s'il est difficile d'harmoniser les régimes fiscaux, ne peut-on alléger les contraintes normatives pour nos entreprises? (n'est-ce pas d'ailleurs quelque chose que l'on entend du côté des agriculteurs où des normes françaises s'ajoutent à celles européennes)
Attendons de voir quel va être le sort réservé à Google par le Ministère, mais si un accord est trouvé je crains qu'il mette à mal nombre d'entreprises du secteur. C'est vrai que cette édition 2016 m'a filé le blues. Probablement l'impression de voir émerger des acteurs accentuant notre décrochage mondial, l'Europe rapetisse face à une nouvelle donne asiatique et américaine.
Commentaires