Lors des Rencontres du numérique 2016 organisées par la société Ordisys il m'a été demandé d'introduire et d'animer une table ronde sur les enjeux du numérique à l'école aujourd'hui. Les interventions, articles... souvent contradictoires s'enchaînent. Lors de la dernière rentrée, un brûlot anti numérique à l'école paru dans Libération a fait grand bruit, voire même parfois des mouvements contre 'l'invasion numérique' type Appel de Beauchastel.
Le numérique, solution miracle versus solution fatale?
Travaillant depuis 10 ans sur ce domaine, je me suis déjà fait l'écho de ces questionnements légitimes , le rapport PISA 2015 de l'OCDE pointait lucidement les insuffisances, nous sommes en deçà de ce que nous pouvions espérer. Si les bons résultats au niveau de la préparation des jeunes pour leur future vie numérique d'adultes sont reconnus, il n'en reste pas moins, pour citer le rapport, que: Technology can amplify great teaching, but great technology cannot replace poor teaching.
Une évidence oubliée, aucun outil ne produit quelque chose de façon isolée. Et bien évidemment le numérique n'a aucunement renouvelé de façon mécanique les approches pédagogiques. Si nous pensons que les outils du 21ème siècle doivent être au moins aussi efficaces que les outils traditionnels du 19ème siècle toujours utilisés , alors, c'est de la faute des profs? De l'Education nationale? De qui?
Où est le problème, sommes-nous condamnés à vivre à l'école avec les outils de la révolution industrielle d'il y a deux siècles?
Simplement une résistance au changement?
De tout temps ces résistances existèrent, Victor Hugo à la suite de Gustave Flaubert a toujours refusé d'écrire avec la plume en fer et garda toute sa vie l'usage ancestral de la plume d'oie. Pourtant c'est grâce à cette plume en fer que le taux d'analphabétisme tomba en dessous des 4% !! Mais un point reste obsédant, où cette question fondamentale de l'apport du numérique à l'école est prise à bras le corps, et dans un cadre collectif?
Bien sûr, une question politique
Interroger l'apport du numérique dans les instances de gouvernance est quasi impossible. Rappelons qu'en France le déploiement du numérique à l'école est copiloté par la collectivité territoriale (ville, département, région) et l'Education nationale. Or le pédagogique étant de l'unique compétence de cette dernière (parait-il), ajoutons à cela la sacro-sainte liberté d'enseignement donnée aux professeurs, vous obtenez comme résultat un sujet tabou. Questionner scientifiquement l'efficacité du numérique ne peut sortir des laboratoires, et souvent dans des publications pour le moins confidentielles.
Nous agissons comme si la réussite des élèves n'était pas avant tout une question politique.
Refondre les objectifs des instances de gouvernance
Aujourd’hui au sein des Comités de pilotage des projets, nous avons beaucoup de mal à poser la question de l’évaluation qualitative de nos politiques éducatives avec l’aide du numérique. Les élus, la société civile, les enseignants eux-mêmes n'ont pas de lieu de partage. Il est urgent de donner aux acteurs des COPIL les possibilités réglementaires et méthodologiques, les outils pour mener à bien une évaluation lucide et partagée.
Je pense que c’est de notre responsabilité dans les mois qui viennent, faire de ce défi du qualitatif le renouveau du numérique à l'école.
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