Rencontres de L'Orme à Marseille, à deux pas du stade Vélodrome. Peut-être une même ferveur mais ici autour du numérique à l'école. Ferveur n'est pas un vain mot car clairement les participants -enseignants, chercheurs, industriels ou élèves- sont concentrés sur des thématiques novatrices: réaliser un e-magazine européen ou une web-télé, créer une œuvre musicale sur tablette, programmer un robot, écrire un polard à plusieurs mains, remédier des enfants dys, enseigner dans une classe inversée, utiliser en SVT un microscope numérique...
L'apport des neurosciences
Mais c'est la rencontre Impact du numérique sur l'appropriation des savoirs: l'apport des neurosciences et la présence de Jean-Luc Berthier animateur de l'équipe Sciences cognitives qui m'avait convaincu de faire le déplacement. Car finalement la question est simple, comment tout cela fonctionne?
Étrangement les mécanismes cognitifs de l'apprentissage sont examinés avec le numérique, voire exigés comme certificat d'efficacité (tous ces investissements sont-ils bien utiles?). Comme si ces mécanismes n'étaient pas ancestraux car l'apprentissage est un acte biologique. Le fonctionnement de nos 90 milliards de neurones et autres cellules gliales nous reste souvent incompréhensible malgré des avancées très spectaculaires, ceci nous obligeant à une grande modestie. Mais il est possible malgré tout de dégager quelques données fiables:
- Dire je perds la mémoire n'a pas de sens, nous avons non pas une mais des mémoires. Perceptive, celle qui est enrichit par mes sens, je connais, je ne connais pas. Sémantique, ma bibliothèque personnelle. Procédurale, mes automatismes comme écrire ou jouer du piano. Épisodique, ma vie, mon histoire. De travail, souvent celle qui me pose problème car elle est éphémère et limitée,mais essentielle car articulée sur les autres.
- Nous ne pouvons pas comprendre si nous ne savons pas. Nourrir les mémoires est une nécessité, donc ne pas trop se délester sur d'autres supports.
- L'oubli est un phénomène normal et hélas incessant, bête noire du pédagogue. Ce n'est pas la conséquence d'une paresse, il faut reprendre et reprendre mainte fois, créer des liens entre éléments connus.
- la question as-tu compris est une question absurde car comprendre n'est pas binaire. Comprendre est un processus qui passe par la case mémoire
Des idées de bon sens
Les sciences cognitives insistent sur le rôle de la mémorisation (ce qui peut aller à contre courant de la googleisation de nos activités), c'est un processus actif. Je lis donc je retiens est une idée sans fondement. Apprendre demande un effort personnel important et les bonnes conditions requises sont multiples.
Les postures, particulièrement celles de l'enseignant sont importantes. La posture doit être active, or la posture classique est encore celle de la posture transmissive, le prof face à ses élèves et c'est très peu efficace. Autre bonne condition, l’importance du sommeil et des pauses, le cerveau travaille et consolide à notre insu, il met de l'ordre dans nos idées.
Parler du numérique en général manque de pertinence. Aujourd'hui nous devons examiner quelles sont les solutions numériques qui s’appuient sur les dernières préconisations des sciences cognitives: l'individualisation des parcours, les tests de mémorisation en classe, les sondages de compréhension, la réactivation des prérequis ou le développement des capacités attentionnelles. Voici quelques exemples de ces outils numériques:
- ANKI: parcours personnalisé de mémorisation, création de fiches où l'élève peut se tester, s'entrainer, mémoriser grâce à la répétition espacée.
- KAHOOT!: quiz interactif développant l'attention
- PLICKERS: sonder une classe à partir d'un smartphone avec des tests de compréhension
- QUIZLET: apprentissage d'une langue, des définitions ou des concepts. Permet aux élèves de se tester, développer l'attention, s'entrainer
- SIMPLEMIND: créer des cartes mentales pour mieux comprendre et mémoriser
- PADLET: outil collaboratif pour créer et diffuser
- SOCRATIVE: questionnaire en ligne pour se tester, développer l'attention et s'entrainer
La formation des profs
Plusieurs fois j'ai mis en exergue une bizarrerie de la formation de enseignants, les sciences cognitives ne font pas partie de leur bagage. Étrange paradoxe que celui d'une profession qui méconnait le fonctionnement du moteur objet de leur mission. Mais l'idée fait visiblement son chemin et l'adéquation de l'acte pédagogique au fonctionnement du cerveau semble une démarche irréversible.
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